Dossier (2/3) – Les Risques Psychosociaux ou « RPS » : Aller plus loin dans la compréhension de ce phénomène complexe
12 septembre 2018 2022-12-02 14:19Dossier (2/3) – Les Risques Psychosociaux ou « RPS » : Aller plus loin dans la compréhension de ce phénomène complexe
Dossier (2/3) – Les Risques Psychosociaux ou « RPS » : Aller plus loin dans la compréhension de ce phénomène complexe
Les Risques Psychosociaux ou « RPS » : Aller plus loin dans la compréhension de ce phénomène complexe
Dans le précédent article de ce dossier, nous avons exploré le contexte d’émergence des risques psychosociaux (RPS) et abordé ses principales dimensions au travers de définitions.
A présent, nous allons expliquer pourquoi les risques psychosociaux (RPS) constituent un sujet complexe, tant au niveau de l’analyse, de l’évaluation des risques que de la prévention. En effet, les RPS sont au croisement de facteurs individuels, organisationnels, collectifs et sociaux et ces facteurs cohabitent et interagissent en permanence, ce qui explique sa complexité intrinsèque.
Je vous propose dans un premier temps de vous présenter deux situations favorisant les risques psychosociaux, puis de commenter, au travers de 3 clés de lecture ces situations, afin d‘appréhender le caractère complexe des risques psychosociaux.
Exemple de situations génératrices de risque psychosociaux (RPS)
Exemple 1 : Deux personnes d’une équipe de six personnes sont absentes et non remplacées depuis plusieurs mois, les exigences de l’activité restent identiques pour atteindre les objectifs fixés. On demande aux collaborateurs de faire « comme ils peuvent ». Jeanne et Julien, les plus expérimentés assument une charge de travail conséquente et peu régulée ayant pour conséquence une amplitude horaire importante sur le lieu de travail et la réalisation de tâches en dehors du lieu de travail (soir, parfois le week-end voire durant ses congés).
Exemple 2 : Une réorganisation est en cours, c’est le deuxième changement structurant en l’espace de 8 mois. Le premier changement concerne la rénovation du système informatique associé à de nouveaux processus. Le deuxième changement concerne la fusion de deux équipes, qui s’entendaient assez bien. La conduite du changement a été plutôt faible et n’a pas permis d’identifier et d’accompagner la perte d’autonomie des équipes avec l’accentuation du contrôle sur l’activité, ce qui a eu pour conséquence une résistance au changement et l’apparition de risques psychosociaux caractérisés par des conflits de pouvoir, des tensions nouvelles, un manque d’entraide et du retard dans l’atteinte des objectifs.
Les clés de lecture
Clé #1 : le lien de cause à effet entre facteurs de risque et manifestations est variable et diffère selon les personnes. Cela implique d’avoir à la fois un regard individuel et collectif.
Tous les individus ne réagissent pas de la même façon concernant l’exposition à un risque psychosocial. La manifestation pourra être différente, plus ou moins virulente. Cela peut expliquer le manque d’homogénéité des manifestations. Par exemple, certaines personnes peuvent se replier sur elle même, tandis que d’autres auront tendance à exprimer leur mal être.
L’exposition à un facteur de risque n’entraine pas systématiquement de manifestations. La probabilité d’occurrence d’un événement est donc variable. Ainsi, une forte charge de travail n’engendre pas systématiquement de manifestations, un burn out ou des comportements addictifs par exemple.
Dans l’exemple 1, il est possible que des manifestations soient observables pour Julien ou encore que les manifestations soient différentes pour Julien et Jeanne. Par exemple, l’un entre deux pourra souffrir de troubles du sommeil et l’autre d’une hypersensibilité. Enfin, il est possible qu’aucune observation ne soit observable. Il est seulement certain que l’exposition prolongée aux facteurs de risque augmente le risque de développer des manifestations.
Clé #2 : identifier l’interdépendance et le caractère multifactoriel des facteurs de risques
L’analyse d’une situation à risque est de nature multifactorielle et certains facteurs peuvent se compenser. Différents modèles proposent une combinaison de facteurs vertueux ou nocifs en fonction de la présence (ou non) de la combinaison de facteurs :
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- Besoins Fondamentaux de Deci et Ryan : compétences, autonomie et sentiment d’appartenance
- Modèle Control-Demand de Karasek : demande/exigence de la tâche, autonomie et soutien social
La présence d’un facteur peut à la fois avoir un impact positif ou négatif sur la situation de travail vécue. Lorsque les tous facteurs sont présents, ils constituent une ressource pour les collectifs. En cas d’absence de l’un des facteurs, la situation de travail peut présenter des dysfonctionnements et des manifestations peut apparaître.
Dans l’exemple 2, nous voyons que l’autonomie est affectée avec une augmentation du contrôle sur l’activité. Une tendance au repli est observée. Cette dernière affecte même des relations qui fonctionnaient bien jusqu’à lors.
Clé #3 : la durée et la fréquence d’exposition sont déterminantes pour caractériser ou non une situation à risque psychosocial. Il existe une différence entre une situation occasionnelle et une situation qui tend à être permanente.
Cependant, il n’existe pas à ce jour, de référentiel ni de règlementation signifiant les limites à partir desquelles une situation est dangereuse pour la santé mentale, au-delà d’une telle durée ou fréquence d’exposition. La loi sur le Droit à la déconnexion (n°2016-1088 du 8 aout 2016, article 55) permet de poser une limite entre la sphère privée et professionnelle afin d’aider à une préservation de la vie sociale et familiale.
L’évaluation de la situation à l’aide d’outils, qu’ils soient quantitatifs ou qualitatifs, représente donc un enjeu majeur. Les référentiels existants (INRS, ANACT, rapport Collège d’expertise sur le suivi des RPS) proposent différents dispositifs, dont des échelles pour appréhender au mieux les risques.
Dans l’exemple 1, il sera important d’objectiver la situation de travail réelle qui pourra être différente pour Jeanne et Julien, pour déterminer si oui ou non la situation est à risque. Encore une fois, nous pouvons dire que la situation de surcharge pourra avoir une conséquence sur la santé psychique si elle s’inscrit dans le temps. C’est à dire que la probabilité que des manifestations soient présentes est lié à la durée et fréquence d’exposition.
Pour conclure
Dans cet article, nous avons abordé la dimension complexe des risques psychosociaux, au regard d’exemples concrets. J’espère qu’il vous aura permis d’appréhender les mécanismes indispensables lors de l’analyse, l’évaluation et la prévention des risques psychosociaux.
Dans le prochain article « Les Risques Psychosociaux ou « RPS » pour les non spécialistes : Prévention individuelle, collective et collaborative », nous évoquerons la réglementation inhérente à la prévention de la santé et des risques psychosociaux ainsi que quelques clés pour mieux prévenir ces risques.
Laetitia Parrenne – Fondatrice Humano Modo
Partenaire de vos transformations : organisationnelle, individuelle et humaine
Executive Coaching I Conseil I Formation
E-mail : laetitia.parrenne@humano-modo.com
Site : www.humano-modo.com