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Réussir sa démarche de prévention des Risques Psychosociaux (RPS)

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Risques psychosociaux et QVCT

Réussir sa démarche de prévention des Risques Psychosociaux (RPS)

Réussir sa démarche de prévention des Risques Psychosociaux (RPS) : Retour d’expérience sur les écueils à éviter et clés de réussite

Suite à une intervention dans une unité d’ingénierie concernant l’évaluation des risques psychosociaux dans le cadre Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP), le DRH me sollicita pour rédiger une note méthodologique récapitulant les différentes étapes. Nous y avons travaillé ensemble. Je fus contacté par un homologue qui souhaitait avoir accès à la note. Je me posais alors la question de savoir si cette note était transposable ? Au fil de mes interventions, après la rencontre d’un peu plus de 2500 personnes, il apparaissait que des facteurs étaient prédictifs d’une démarche de prévention des risques psychosociaux plus ou moins réussie.

Si vous allez mettre en place une démarche d’évaluation pour la première fois dans votre organisation ou si vous faites le choix d’internaliser l’évaluation, cet article peut vous aider à identifier les incontournables d’une démarche de prévention des risques psychosociaux. Alors, quelles sont les bonnes pratiques lors de la mise en place d’une démarche ? Comment passer du plan d’actions à leurs mises en place ? Quelle place ont les managers dans cette démarche ?

Je vous propose de vous faire part de mon retour d’expérience dans différents secteurs d’activités (privé, privé, parapublic, associatif). Afin de souligner les points d’attention concernant la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux dans le cadre du Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels. Mon expérience concerne principalement la phase opérationnelle de la démarche (réalisation d’entretiens collectifs à des équipes constituées ou transverses, rédaction du rapport, proposition d’axes de travail). Qui cette dernière s’insère dans une démarche globale menée par un groupe pluridisciplinaire dédié (la majorité des fois), un Codir, un CSE (anciennement CHSCT), des responsables prévention ou encore des DRH.

Nota Bene :

Plusieurs guides (INRS, ANACT) existent et préconisent des étapes communes : préparer la démarche, développer une approche collective (constitution d’un comité de pilotage pluridisciplinaire), analyser des indicateurs (données sociales et RH, données médicales…), identifier des facteurs de risques/sources de stress par l’intermédiaire d’un questionnaire ou d’entretiens individuels et/collectifs, élaborer un plan d’actions, suivi des actions. Il ne s’agira pas ici de rentrer dans le détail des différentes étapes mais plutôt de commenter certaines d’entre elles.

1 – Sensibiliser

La prévention des risques psychosociaux est régie par la loi. Mais au-delà d’un enjeu règlementaire, c’est une véritable opportunité d’impliquer les différentes parties prenantes de l’organisation dans une démarche favorisant la santé des travailleurs, l’amélioration des conditions de travail et le bien-être au travail. Agir sur les risques psychosociaux, c’est aussi aller dans le sens de la performance organisationnelle et humaine. L’activité peut être régulée différemment, l’organisation et les processus peuvent être ajustés pour gagner en fluidité, la relation au public peut être repensée pour améliorer la prise en charge. Comment vos salariés appréhendent le sujet ? Comment les managers s’en saisissent ?

La sensibilisation sur les risques psychosociaux et le bien-être au travail concernent certes le pilote et le groupe de pilotage mais aussi d’autres parties prenantes. La ligne managériale est également un acteur de la prévention et son positionnement privilégié auprès des équipes en fait un acteur incontournable dans ce type de démarche. La sensibilisation des managers est donc à envisager pour adopter une approche préventive et systémique. Il est aussi question de donner du sens à la démarche à ceux qui vont déployer les actions dans leurs équipes respectives.

2 – Clarifier les enjeux d’une démarche

Définir les enjeux d’une démarche, éclairera sur le niveau d’ambition. Qu’est-ce que nous souhaitons ? S’agit-il de répondre uniquement à la demande règlementaire ? D’aller plus loin ? Si l’envie de faire évoluer la situation est réelle, il est nécessaire de s’assurer des moyens associés d’ordre temporel, humain, financier pour déployer la démarche dans de bonnes conditions. Par exemple, investissement des participants, temps dédié à la participation du groupe de pilotage, mise en œuvre effective du plan d’actions. Cela implique l’adhésion de la Direction et le portage de la démarche. L’engagement isolé dans une démarche a moins de chance d’aboutir à la mise en œuvre d’actions.

3 – Adapter le dispositif en fonction des situations de travail

Intervenir dans un collectif en difficulté ou en situation de crise avec une démarche de prévention ne sera pas bien accueilli… Il est donc nécessaire d’ajuster le type de démarche et d’accompagnement en fonction du climat dans les équipes. Et cela, afin d’éviter des dérives ou l’instrumentalisation et détournement de la démarche, qui sera fait si c’est le seul dispositif existant, un moyen de faire passer les messages de façon appuyée. Cela implique de connaitre un minimum le contexte des équipes. A minima d’envisager une solution alternative en cas de découverte d’une situation difficile ou de souffrance.

4 – Cadencer l’intervention

Il s’agit d’adapter le rythme de la démarche à la capacité à mettre en place des actions. D’où l’idée de répartir la démarche dans le temps, avec plusieurs campagnes car réaliser des entretiens trop rapprochés, en seule campagne, rendra d’autant plus difficile la mise en place des actions et leurs suivis. Si le pilote de la démarche est dédié à plein temps sur le sujet, c’est parfait mais cela est rarement le cas ! La charge associée au déploiement du plan d’actions doit aussi être évaluée pour éviter le ralentissement ou l’arrêt de la démarche. Le fait que les actions soient tardivement mises en place est perçu comme frustrant par l’ensemble des parties prenantes, qui se sont investies tout au long de la démarche.

5 – Ne pas focaliser uniquement sur les points négatifs, les facteurs de risque

C’est l’un des écueils qui consiste à passer vite sur les facteurs protecteurs et se focaliser sur les facteurs de risque. En suivant les principes de l’Appreciative Inquiry, les facteurs ressources aussi appelés « noyaux positifs » sont identifiés et permettent de caractériser et valoriser des pratiques vertueuses, favorisant le bien-être au travail et l’engagement. Comme évoqué dans un précédent article, valoriser ce qui fonctionne bien dans une organisation et agir sur le facteurs de risque est complémentaire. En effet, c’est souvent à partir de la ressource actuelle ou passée qu’émerge la possibilité d’actions et de changement. Cela est particulièrement pertinent lors d’une transformation. S’appuyer sur les talents collectifs et réussites permet de maintenir une dynamique positive et une stabilité, souvent mise à mal lors des changements qui sont davantage associés à l’incertitude et l’instabilité du fait d’une perte de repères.

Il est donc important pour les organisations et équipes de comprendre ce qui fonctionnent bien au quotidien afin de veiller au maintien des noyaux positifs structurants.

6 – Impliquer les managers

L’implication des managers aux moments clés de la démarche (démarrage, pré-diagnostic, construction du plan d’actions) est incontournable. Les impliquer en bout de chaîne n’aidera pas à la mise en œuvre d’actions prescrites par un tiers, que l’intervenant soit interne ou externe. Ils doivent aussi s’approprier la démarche, au risque de rejeter l’analyse lors de la découverte du diagnostic et le plan d’actions (surtout s’ils n’ont pas été associés à l’entretien collectif, si cette option a été retenue par l’organisation). Notamment si le diagnostic pointe des dysfonctionnements importants.

Attention, il ne s’agit pas de remettre en cause le diagnostic mais de laisser la possibilité au manager concerné de s’exprimer sur sa situation de travail du quotidien avant la finalisation du rapport. Il est important de ne pas sous-estimer la réception d’un diagnostic par un manager, notamment lorsqu’il est déjà en difficulté.

Il est aussi primordial d’interroger la ligne managériale, qui est aussi exposée aux risques psychosociaux. Du fait :

  • De la fonction d’encadrement des équipes (gestion du quotidien, accompagnement au changement, gestion des conflits)
  • Du rôle d’intermédiaire entre différents niveaux hiérarchiques
  • De l’activité intrinsèque (forte charge de travail, difficultés pour adopter une approche moyen/long terme, dialogue social parfois difficile).

Les sphères de vie professionnelle et personnelle peuvent être en tension. Pour l’anecdote, j’intervenais dans un CoDir pour co-construire un plan d’actions avec l’ensemble des chefs de service, à destination de leurs services. Une fois fini, ils m’ont dit « et pour nous, quelles actions ? ». Face à l’attente exprimée, j’ai pris le temps d’affiner le besoin et nous avons dédié un temps à l’exploration de la situation et la construction d’un plan d’actions spécifique.

7 – Une dualité d’actions : engager des actions à la fois sur la « forme » et le « fond »

Plus rapide et simple à engager, les actions de forme ne concernent pas le coeur du métier et la prévention des facteurs de risque mais plutôt l’environnement de travail et les activités proposées par l’organisation. On relèvera les activités sportives au sein de l’entreprise, la création ou rénovation des lieux communs conviviaux (comme les salles de pause), les journées QVT et les actions ponctuelles comme les journées à thèmes ou encore les paniers de fruits. Les actions de fond relèvent du registre de la prévention primaire, secondaire et tertiaire et touchent au coeur de métier. Dans une organisation dont les risques psychosociaux sont maitrisés, les actions de forme sont bienvenue mais dans une organisation avec des risques psychosociaux peu maitrisés les actions de forme pourront avoir un effet sur du très court voire l’effet inverse.

Il est important de mesurer que l’engagement dans une démarche génère des attentes chez les participants. Ne pas engager d’actions de fond (exemple, régulation des charges de travail, réorganisation de l’activité) réduira l’intervention à « son effet catharsis » à « une perte de temps » . Pire, la démarche pourra être perçue comme une tentative d’évitement du problème ou encore comme une non reconnaissance du problème générant des difficultés et potentiellement de la souffrance. Une option intéressante concerne la coconstruction d’actions avec les équipes interrogées, ce qui favorise la mise en place d’actions par la suite, en terme appropriation et d’adaptation à la pratique du terrain.

8 – Communiquer sur la démarche

Communiquer régulièrement sur la démarche puis les actions mises en place renforce la confiance envers l’organisation, la transparence et le sentiment d’utilité de celle-ci. J’ai pu intervenir dans des organisations pour mettre à jour le Document Unique d’Évaluation des Risques sur le volet RPS, lorsque les salariés n’avaient pas été informés des suites de la première démarche, la coopération était moindre et la méfiance et résistance plus importantes. Et cela même si, des actions avaient été mises en place. Elles n’avaient simplement pas été associées à cette démarche.

Pour conclure

Nous avons abordé dans cet article, plusieurs bonnes pratiques et écueils concernant la mise en place de la démarche de prévention des risques psychosociaux dans le cadre du Document Unique. J’espère que cet article vous permettra de soulever ou renforcer des points d’attention lors de la mise en place de vos démarches. Un des points à retenir, c’est élargissement de la démarche au-delà de son caractère règlementaire pour engager une dynamique collective et surtout pérenne du fait d’une sensibilisation et autonomisation sur le sujet des risques psychosociaux et du bien-être au travail.

La prévention est aussi l’affaire de tous bien que légalement attribuée à l’employeur (obligation de prendre les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs du 31 décembre 1991). Ce sont aussi les initiatives et convictions individuelles qui donnent la force, la puissance et l’énergie à une dynamique et démarche collective. Qu’en pensez-vous ?

Laetitia Parrenne – Fondatrice Humano Modo
Partenaire de vos transformations : organisationnelle, individuelle et humaine
Executive Coaching I Conseil I Formation
E-mail : laetitia.parrenne@humano-modo.com
Site : www.humano-modo.com

 

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